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A chaque secousse de l'Amérique succède une vague de films reflétant
les maux du jour. Si le Vietnam fut au cœur de Platoon, Taxi Driver ou
Massacre à la Tronçonneuse, la phobie yankee actuelle se porte
logiquement sur le terrorisme et la peur de l'autre. La gueule de bois
post 11 Septembre en somme. Le Village, la Guerre des Mondes... et
maintenant Collision, première réalisation prometteuse de Paul Haggis
s'attachant à décrire la lancinante propagation du racisme quotidien.Sur le mode casse-gueule du film choral (pas moins d'une vingtaine
de personnages à exploiter en moins de 120 minutes), le scénariste de
Million Dollar Baby dessine une mosaïque de comportements et
d'interactions faisant irrémédiablement évoluer les individus. La
structure narrative s'attache à divers protagonistes évoluant
indépendamment des autres mais dont chaque brides de vie aura des
répercussions sur celles des autres. L'idée serait qu'en dépit de leur
petite vie égoïste, chaque humains est connecté au autres. Cette notion
se répercutera même dans la mise en scène, lors des passages d'une
trame à une autre, où un mouvement amorcé par un individu sera
poursuivis avec le premier plan de la scène suivante (style on ouvre
une porte et op, on passe à un autre personnage qui en referme une). La
Collision du titre, ce n'est autre que le clash entre deux individus
obligés se confronter à l'autre par la force des évènements, comme par
exemple un accrochage en voiture. Dans une situation pareille, la peur
et la colère qui anime l'humain ressurgit brusquement et se traduit par
une violence verbale ou physique dévoilant les plus abjectes pensées.
Mais de quelle peur et de quelle colère parle-t-on ? La colère envers
sois-même d'abord, l'idée selon laquelle nous ne sommes pas parfait et
qu'en dépit de nos opinions politiques, nous ne pouvons voir le monde
constamment de façon utopique, comme c'est le cas de Jean, femme
blanche tolérante mais se faisant un jour braquée par deux noirs. La
peur née quand à elle d'une incompréhension face à une culture qu'on ne
comprend pas forcément et est à l'origine de clichés tenaces, à l'image
de ces perses vu comme des arabes ou bien de cette femme flic mexicaine
prise pour une portugaise.
Le réalisateur/scénariste rappelle un des problèmes majeurs de
l'incompréhension ethnique moderne en revenant sans cesse à l'image de
la religion qui trouble les esprits et fait du mal à l'humanité.
Lorsqu'un producteur télévisuel black sera poursuivis par la police, ce
sera à proximité d'un Père Noël symbolisant le versant commercial d'une
fête chrétienne. A un autre moment charnière du récit, une crèche
surgira mystérieusement dans le champ, le temps de choquer le
spectateur tant cet élément du décor semble surgir de nul part. Enfin,
la terrible conclusion du récit aura pour objet de discorde une
statuette de St Christophe qui aurait pourtant du rapprocher les deux
partis.
La meilleure idée du script vient sans conteste de son refus du
manichéisme et épouse le point de vue de chaque personnage pour mieux
faire entrer en résonance les conflits. Ici, le méchant n'est pas
totalement pourri, le gentil n'est pas à l'abri de la monstruosité
vivant en lui, la violence de l'un trouve parfois une résonance dans la
violence de l'autre... Même si le discours à tendance à se répéter en
boucle, on ne peut qu'apprécier la finesse avec laquelle il est énoncé,
par le biais de dialogues extrêmement justes, tour à tour cyniques,
tragiques ou juste lucides. Finalement, tous les personnages se
ressemblent, chacun à peur de l'autre... Pour Haggis, l'être humain est
une masse où tout le monde est semblable, à l'image de ces lumières de
phares qui traversent le générique, véritables petites boules de
lumières indissociables les unes des autres. Par les prises de bec
entre chaque individus, c'est l'Humanité tout entière qui est dévoilée
dans sa face la plus sombre. Reste que le final rappellera que l'amour
et le respect sont toujours possibles lorsque deux individus sont
capables de se comprendre. Collision s'achèvera ainsi par une image
optimiste (mais pas éternelle) d'une neige apaisant temporairement les
consciences.
Pour son premier film, Paul Haggis est parvenu à dépeindre Los
Angeles comme un monde brumeux collant à merveille avec son surnom de
Cité des Anges. Les lumières cotonneuses donne une impression de
Paradis où le Mal se terre profondément. L'utilisation fréquente de
ralentis appuie la notion de temps suspendu et la bande originale
planante nous transporte comme sur un nuage (le spectateur devient
omniscient car il a une vision d'ensemble. On pourrait presque parler
de point vue divin prenant la forme du hasard -, comme le souligne le
plan final en plongée). Il est tout de même regrettable que le scénario
finisse par s'étirer inutilement par la force des trop nombreuses
coïncidences qui en plus de devenir extrêmement prévisibles sur la fin
(on tombe franchement dans le soap opéra télé), réduisent la
construction dramatique au rang de gimmicks, à la limite de la parodie
(on notera que le structures des rencontres entre-croisées n'est pas
nouvelle est empruntée à Short Cut et Magnolia).
Heureusement, ce n'est qu'un petit détail gênant sur un ensemble très
attachant où de nombreuses séquences ressortent (l'accident de voiture,
la fille courant vers son père...) et où le casting de luxe est employé
à très bon escient. Visiblement, Sandra Bullock et Brendan Fraser
attendait un script de ce genre pour montrer enfin toute l'étendue de
leurs talents. Ils n'ont pas à rougir des autres comédiens plus réputés
qui parviennent à exprimer beaucoup en en faisant très peu, comme Matt
Dillon au mieux de sa forme ou encore un Don Cheadle transfiguré
semblant porter tout le poids du monde sur les épaules. Les plus jeunes
acteurs se mêlent aux plus vieux et le métissage offre un aperçu très
représentatif de la population américaine loin des cotas (chose
suffisamment rare pour être soulignée). Le casting de l'année !Si on ira pas classer Paul Haggis dans la Top List des auteurs
révolutionnaire du moment (comme dans Million Dollar Baby, il prouve
son goût pour les facilités mélodramatiques travesties en fausse
virtuosité), son premier film demeure passionnant grâce à sa direction
d'acteurs admirablement gérée et par la pertinence de son propos sur la
haine raciale. Pas de doute, le bonhomme a des choses à dire, et il les
dit relativement bien.Merci à Merovingien
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